Prédictions 2024 dans la Tech et les Médias
Bonne année à tous ! Voici quelques prédictions arbitraires et péremptoires pour cette première édition de la saison 2024 d'Épisodiques.
Les LLM vont devenir le nouvel OS du numérique
Même si l’Intelligence Artificielle Générale (AGI) est encore loin, les modèles vont gagner en performances et en précision avec l’arrivée de GPT-5 et ses concurrents.
Les grands modèles de langage vont progressivement s'insinuer partout : en entreprise, dans l'éducation, l'industrie; ils seront testés dans tous les domaines.
Les deux mots-clés seront multimodalité et agents, avec des IA capables d'appréhender tous les médias — texte, image, son, vidéo — et de se poser en intermédiaires avec d’autres logiciels dédiés à des tâches spécifiques.
Le seul obstacle à l’adoption massive des LLM sera leur manque de fiabilité et leur propension à halluciner. Leur sécurité restera le sujet principal.
→ Prochainement dans Épisodiques :
le bullshit du P-Doom (en d’autres termes, l’apocalypse AI n’est pas pour demain).
Conflit sur les droits d’auteur dans l’IA
Le procès du New York Times contre OpenAI n’est que le prélude à une bataille généralisée pour la rétribution de la propriété intellectuelle par les opérateurs d’IA. De multiples fronts vont s’ouvrir dès le début de cette année.
L’impact sera majeur pour l’économie des opérateurs d’IA qui espéraient que l’impossible traçabilité des contenus les préserverait des poursuites.
Une fois de plus, la BigTech+ (combinaison des GAFAM et des nouveaux venus tels qu'OpenAI) va jouer la division en passant des accords spécifiques avec les grands médias, comme OpenAI l’a fait avec Axel Springer.
→ Prochainement dans Épisodiques :
- Une analyse de la plainte du NYT et pourquoi les médias risquent de répéter les mêmes erreurs que par le passé dans leurs relations avec les GAFAMs.
- Pourquoi les accords type Springer/OpenAI ne sont pas nécessairement bénéfiques à l'écosystème des médias.
- Vous avez détesté les GAFAMs, voici venu l’ère de la BigTech+.
- L’hallucination collective de l’open source dans l’IA, ou pourquoi un Mistral ne vaut sans doute pas 2 milliards.
La fin du racket des app stores
L’utilisation d’une app store chez Apple ou Google ne justifie certainement pas une taxe de 30%. Visa International ne prélève que quelques pourcents pour assurer la sécurité d’un vaste système gérant 600 millions de transactions quotidiennes dans le monde.
2024 va voir le fabuleux business model des app stores revu à la baisse avec la généralisation d’un taux qui se stabilisera autour des 10~15%.
→ Prochainement dans Épisodiques :
Pourquoi le système des apps sur mobile est totalement dysfonctionnel.
2024, une année compliquée pour Apple
La marque n’a pas de produit en préparation capable de compenser l’érosion des revenus de l’iPhone qui a maintenant saturé son marché.
Le seul potentiel de croissance de l’écosystème Apple réside dans la santé, avec de nouvelles capacités sur les EarPods (pour cette année ou la prochaine) capables de mesurer la température corporelle, la pression sanguine et peut-être la glycémie.
L’Apple Vision Pro est un appareil extraordinaire qui a le potentiel de dynamiser le segment de la VR/AR, mais pas dans sa version actuelle à 3 500 dollars. Il faudra attendre la version à 1 500 dollars, peu susceptible de sortir cette année.
Les effets du procès antitrust contre Google pourraient priver Apple du paiement annuel d'environ 18 milliards de dollars. Cela représente 21% des 85 milliards de revenus de l’activité services d’Apple, elle-même comptant pour 22% du chiffre d’affaires total.
La sortie progressive et compliquée d’Apple de Chine ne lui permettra pas de maintenir les marges actuelles sur le manufacturing.
Mais il n’y a pas de quoi s’inquiéter pour une entreprise qui, pour l’année fiscale 2023 (clôturée fin septembre), a réalisé 383 milliards de chiffre d’affaires, un résultat d’exploitation de 114 milliards et un profit net de 97 milliards, et qui est assise sur une réserve de cash de 166 milliards.
Nouveau management chez Google
Il semble peu probable que Sundar Pichai finisse l’année 2024. Son indécision chronique, ses erreurs stratégiques sur l’IA face à OpenAI et ses fautes de communication commencent à peser lourd.
Le procès antitrust qui s’achèvera au printemps aura des effets profonds sur l’entreprise. Par exemple, l’impossibilité de sécuriser la suprématie de Google sur le search mobile ; l’entreprise avait acheté sa position moyennant un investissement annuel de 26 milliards par an (les deux tiers allant à Apple). Un cas d’école d’éviction économique.
Un démantèlement partiel pourrait cependant réserver des surprises positives : par exemple, un YouTube devenant une entité séparée pourrait être une des entreprises les plus valorisées dans le secteur de l'entertainment.
→ Prochainement dans Épisodiques :
Comment YouTube va devenir le premier service de télévision au monde.
Les challenges de Tesla
Une baisse de la progression des ventes de voitures électriques et l’arrivée sur le marché occidental de modèles chinois, excellents et moins chers.
Le secteur rebondira lorsque : l’infrastructure de chargement sera bien développée ; la plupart des modèles auront 500-700 km d’autonomie ; les prix auront baissé.
La transition sera encore plus lente en France avec un gouvernement qui va s’ingénier à renchérir le prix des recharges pour le rapprocher du coût d’un plein d’essence.
Le choc sera massif pour les constructeurs traditionnels.
SpaceX : retard sur le Starship
SpaceX domine largement le marché des lanceurs commerciaux, profitant de la faiblesse européenne qui ne trouvera pas de solution tant que le leadership du programme Ariane restera en l’état.
Mais les premiers vols commerciaux du Starship ne sont pas pour demain : encore trop de problèmes techniques à résoudre. Le feu d’artifice va continuer en 2024.
Netflix va consolider sa position de leader
Grand vainqueur de la grève de Hollywood, Netflix va continuer de dominer le streaming avec toujours plus d’investissements dans la production et dans de nouveaux produits.
Le Hollywood traditionnel des studios va de plus en plus ressembler au Detroit de l’industrie automobile.
Par ailleurs...
Donald Trump ne sera pas candidat aux présidentielles, et Joe Biden non plus. Le premier sera plombé par ses problèmes légaux et le second par son âge. Trump appellera à l'insurrection, cette fois de façon explicite. Un risque immense pour la démocratie américaine (sortie du film "Civil War" le 26 avril).
Les tensions en Mer Rouge et l’assèchement (au sens strict du terme) du canal de Panama vont ralentir les importations vers l’Europe et les États-Unis. Cela risque de contribuer à l'inflation des produits importés et, à plus long terme, cela poussera à la réindustrialisation des États-Unis.
Les combats en Ukraine vont cesser, sans vainqueur évident, mais en raison de l’épuisement des belligérants : côté russe, une guerre de plus en plus coûteuse et côté ukrainien, l’érosion du soutien européen et le risque d’une cessation de l’aide militaire américaine en cas de victoire républicaine aux élections de novembre prochain.
Twitter ne va pas s’éteindre de sitôt. C’est encore là où ça se passe. Aucun transfuge vers d’autres plateformes ne peut sérieusement affirmer le contraire. Il ne suffirait pas de grand-chose pour qu’Elon Musk reprenne la main. Mais il semble pour l’instant dans une logique destructrice.
C’est tout pour cette première d’une nouvelle saison d'Épisodiques. Abonnez-vous et suivez-moi sur Twitter (@filloux). Et laissez-moi vos commentaires à l’adresse ci-dessous.
Merci !
frederic@episodiqu.es
Quand il y a un marché comme celui là avec un problème de confiance et de valorisation, il peut y avoir la place pour un agent intermédiaire qui "fait" le marché. Valoriser les articles, s'assurer de la bonne éxécution des parties...
Ca peut être le cas ici? En réutilisant les idées que tu avais développées à Stanford?
Merci beaucoup pour tous ces insights très intéressants, et matière à réflexion.
A voir ce que 2024 nous réserve.