Mark Zuckerberg va mettre la puissance de Meta au service de la présidence Trump
Derrière l’abandon des procédures de fact-checking en vigueur chez Facebook se profile une allégeance totale de Zuckerberg aux priorités et à l’idéologie de la nouvelle administration.
• • • La version bullet points :
• Mark Zuckerberg a décidé de faire de Meta une machine politique au service de la présidence Trump.
• Son offensive déclarée contre “la censure” du fact-checking, contre le wokisme ou les réglementations internationales est motivée par une idéologie extrémiste décomplexé.
• Un réseau social à la puissance planétaire (4 milliards d’utilisateurs) mis au service d’une présidence américaine ouvertement agressive, est un événement d’une importance exceptionnelle.
• • • La version Longue
Le contenu de cette vidéo est tellement insensé qu’on croit d’abord à un fake. Mais c’est bien Mark Zuckerberg qui s’exprime ce mardi 7 janvier sur Facebook. Ses propos méritent d’abord un verbatim complet (les passages en gras sont de mon fait) :
“Je voulais parler aujourd’hui d’un sujet important. Il est temps de revenir à nos fondamentaux concernant le droit à l’expression. J’ai construit un média social pour donner aux gens une voix. Il y a cinq ans, j’ai même prononcé un discours à l’université de Georgetown sur l’importance de la liberté d’expression. J’y crois encore, mais beaucoup de choses ont changé au cours de ces dernières années.
Il y a eu d’abondants débats sur les effets négatifs des contenus numériques. Les gouvernements et les médias traditionnels ont poussé en faveur de toujours plus de censure. Une grande partie de tout cela a clairement une motivation politique.
Il y a aussi beaucoup de mauvaises choses dans ce monde : drogue, terrorisme, exploitation des enfants. Nous avons pris cela au sérieux et construit des dispositifs complexes pour modérer tous ces contenus. Mais le problème avec ces systèmes est qu’ils font des erreurs. Même s’ils censurent ne serait-ce que 1% des posts, ce sont des millions de personnes qui sont impactées. Et nous avons atteint un point où il y avait trop d’erreurs et trop de censure.
Les récentes élections ont aussi marqué un point de bascule culturel sur la priorisation de la liberté d’expression. Par conséquent, nous allons revenir à nos fondamentaux et nous focaliser sur le fait de réduire les erreurs, simplifier nos principes et restaurer la liberté d’expression sur nos plateformes.
En premier lieu, nous allons éliminer les fact-checkers et les remplacer par des notes émanant des utilisateurs, comme le fait X. Nous allons commencer par les Etats-Unis.
Après la première élection de Trump en 2016, les médias traditionnels n’ont cessé de présenter la misinformation comme une menace pour la démocratie. Nous avons fait de notre mieux, en toute bonne foi, pour adresser ces questions, sans pour autant se poser en arbitre de la vérité. Mais les fact-checkers sont devenus trop biaisés politiquement et ont davantage détruit la confiance qu’ils ne l’ont restaurée, en particulier aux Etats-Unis. En conséquence, au cours des prochains mois, nous allons déployer un puissant système de Notes communautaires.
Deux, nous allons drastiquement simplifier nos principes de régulation et éliminer différentes restrictions sur tout ce qui a trait aux contenus relatifs à l’immigration ou au genre, qui sont simplement sans rapport avec le discours mainstream. Ce qui est né d’une volonté de plus grande inclusivité s’est trouvé de plus en plus utilisé comme un moyen de faire taire certaines opinions et écarter des gens portant d'autres idées. C’est allé trop loin. Je veux être certain que tout le monde peut partager ses idées et ses opinions sur nos plateformes.
Trois, nous allons changer les principes de mise en application de ces restrictions qui relèvent pour l’essentiel de la censure sur nos plateformes. Jusqu’ici, nous avions des systèmes de filtres conçus pour repérer toutes les violations de nos principes de modération. A partir de maintenant, nous allons les réorienter essentiellement vers les contenus illégaux et les violations les plus évidentes de nos politiques de contenus. Et pour tout ce qui est mineur, nous laisserons cela au public, avant de prendre des mesures si nécessaire.
Le problème est que ces filtres sont sujets à erreurs. En réduisant leur portée, nous allons éliminer d’autant la censure sur nos plateformes. Nous allons également durcir les principes qui peuvent nous conduire à supprimer un contenu. C’est un trade-off. Cela signifie que nous allons laisser passer davantage de mauvaises choses, mais nous allons aussi réduire le nombre de comptes que nous fermons accidentellement.
Quatre, nous allons ramener [sur les plateformes] du contenu à caractère civique. Pendant un moment, nos utilisateurs nous ont demandé de réduire le volume de contenus à caractère politique qu’ils jugeaient anxiogènes. Donc nous avons cessé de les promouvoir.
Mais il apparaît qu’aujourd’hui nous entrons dans une ère nouvelle. Et nous notons que les gens souhaitent le retour de ces contenus politiques. Donc nous allons les réinstaller sur Facebook, Instagram et Threads, tout en maintenant des communautés amicales et positives.
Cinq, nous allons déplacer nos équipes de Trust and Safety, ainsi que celles chargées de la modération des contenus hors de Californie pour les baser au Texas afin de les placer dans un lieu moins sujet aux biais susceptibles d’influencer nos équipes.
Enfin, nous allons travailler avec le président Trump pour lutter contre la pression des gouvernements qui s’en prennent aux entreprises américaines et qui les censurent toujours plus.
Les Etats-Unis ont les plus robustes dispositions constitutionnelles au monde pour garantir la liberté d’expression. De son côté, L’Europe a toujours plus de lois institutionnalisant la censure et rendant plus difficile le développement de l’innovation. Les pays latino-américains ont mis en place des cours de justice secrète permettant de museler ce que bon leur semble. La Chine a censuré des applications en interdisant leur fonctionnement sur leur territoire.
Le seul moyen de lutter contre cette tendance mondiale est le soutien du gouvernement américain. C’est pour cela que cela fut si difficile au cours de ces quatre dernières années, lorsque que le gouvernement américain même poussait en faveur d’un renforcement de la censure. En s’en prenant à nos entreprises, il n’a fait que conforter les autres pays à en faire autant.
Mais aujourd’hui, nous avons la possibilité de restaurer la liberté d’expression et je suis excité à cette idée. Cela prendra du temps, aucun système n’est parfait. Il va nous falloir aussi éliminer diverses entraves légales. L’enjeu est qu’après des années passées à mettre en place des systèmes de modération centrés sur le retrait de certains contenus, il est temps de se focaliser sur la réduction de ces excès, simplifier nos systèmes, et revenu à nos fondamentaux qui sont de donner sa voix au peuple.”
Pourquoi ce texte est important
• Éliminer les fact-checkers revient à tourner le dos à des années de politique de lutte contre la désinformation et les excès en tous genres. Meta avait mis en place un vaste appareil de vérification de l'information, impliquant pas moins de 90 organisations dans le monde couvrant 60 langues. Parmi elles, des médias comme l’Agence France Presse (qui avait un important contrat avec Meta), l’Associated Press et des nuées d’organismes vérificateurs indépendants. A entendre Zuckerberg aujourd’hui, tous sont soumis à un agenda politique lourdement lesté par le wokisme.
• Supprimer le filtrage automatisé sous prétexte qu’il est sujet aux erreurs est, au mieux, d’une monumentale mauvaise foi, au pire, un constat d’échec terrible pour une entreprise de tech qui s’est posée pendant des années comme la plus compétente dans la modération algorithmique. C’est la preuve qu’il s’agit d’une décision essentiellement politique de la part de Zuck.
• Remplacer la modération par une autorégulation des utilisateurs est illusoire. L’expérience montre qu les réseaux sociaux sont incapables de s’autoréguler. Toutes les tentatives se sont soldées par une explosion de l’influence des groupes d’extrême-droite, plus puissants, mieux organisés, plus assidus que la grande masse des utilisateurs modérés. A de multiples reprises, les réseaux sociaux ont apporté la preuve que la rage et la colère avaient invisibilisé toute forme de modération dans les propos. Ceux qui en doutent encore n’ont qu'à regarder l’égoût qu’est devenu Twitter après sa reprise par Elon Musk.
• Zuckerberg reprend la rhétorique d’Elon Musk et de la droite trumpiste sur le rôle central joué par les “médias traditionnels” sur la “censure” ambiante qui ont fait taire les opinions populaires au profit d’une mise en avant des thèmes de l’immigration et du genre.
• Le fondateur de Facebook a donc en tête de réinstaller le discours politique. Mais, en mettant à zéro les moyens de modération desdits contenus, on voit assez précisément où cela va mener le débat public.
• La référence à l’arrivée “d’une nouvelle ère” est clairement une allégeance à Donald Trump. Meta ne veut pas se laisser déborder par le réseau Truth Social qui est le porte-voix de Trump et dont Zuckerberg craint la montée en puissance ; Facebook veut garder — ou faire revenir — les brebis égarées de la droite populiste américaine qui sont allées essaimer sur d’autres plateformes. C’est un move à la fois stratégique et idéologique.
• La délocalisation des équipes chargées de la modération est clairement une sanction contre les personnels de Meta que Zuckerberg veut soustraire à l’influence néfaste (lire : gauchiste) de la Californie. C’est un coup de pied de l’âne un peu minable, mais qui en dit long sur la frustration du patron de Meta.
• La guerre à l’Europe est déclarée. Et tant qu’on y est, à tous les pays qui se mettent en travers de la volonté hégémonique des Etats-Unis nouvelle mouture. En faisant référence aux contraintes légales imposées par l’UE et en emboîtant le pas à l’attitude belliciste de Trump, Mark Zuckerberg exprime clairement son intention de mettre Meta au service de la nouvelle présidence.
• Après la première élection de Donald Trump, le monde avait découvert avec effroi le caractère implacable de cette machine à fragmenter la société qu’était Facebook. La vraie nature de l’entreprise était remontée : le profiling systématique des utilisateurs (scandale Cambridge Analytica), les révélations des lanceurs d’alertes comme Frances Haugen sur les mécaniques d’addiction délibérée d'Instagram et ses effets dévastateurs sur la jeunesse occidentale ou encore l’instrumentalisation de Facebook et Whatsapp par tout ce que le monde compte de dictateurs. Une pestilence morale qui avait conduit Facebook à se refaire une image en devenant Meta et pour Zuckerberg, à délaisser son look de Jules César geek pour une allure vaguement plus rassurante.
Ce discours marque un tournant dans la révolution numérique. Cette remarque n’a rien d'exagéré. Facebook s’est construit sur la monétisation de la rage et de l’outrance. A ce titre, le réseau social (et ses dépendances) est devenue une puissante bombe à fragmenter les démocraties. Le voici aujourd’hui qui fait allégeance à une administration autocratique, imprévisible et hégémonique (cf le feuilleton sur le Groenland et Panama). Tout cela n’a rien de fun. —
frederic@episodiqu.es
It could be a godsend for the media to play their role as a reliable source of information and regain their place as the 4th estate, but how can we give them the same financial clout as social networks?
Who really cares about the shit coming out of Zuckerbergs mouth. FB is dead and he's just trying to hold onto his $$$$. Once a liar, always a liar. It doesn't take a genuis to see through the BS.