#5 - Quand l’adversité stimule les plus tenaces
L’histoire récente de la tech montre que les périodes de crise économique sont finalement propices à la prise de risque et au succès entrepreneurial.
Chronique parue dans L’Express du 03.12.20
Toutes les entreprises suivantes se sont lancées dans des conjonctures terribles : Microsoft et Apple, respectivement en 1975 et 1976 au beau milieu de la stagflation consécutive au premier choc pétrolier ; Netflix en 1997, pendant la crise asiatique; Mailchimp (la première plateforme de newsletters) en 2001 au lendemain de l’explosion de la bulle internet. Puis ce fut la génération de la crise financière avec, en 2008-2009 : Groupon, WhatsApp, Instagram, Airbnb, Slack, Uber…
En temps normal, convaincre un investisseur de financer une startup ne requiert pas plus de six arguments: l’équipe, le produit, le marché potentiel, la différenciation, l’avantage compétitif (une technologie, des brevets), et le modèle d’affaires.
La crise actuelle joue favorablement sur le principal poste de dépenses d’une entreprise de technologie que sont les charges de personnel : les salaires sont revus à la baisse avec moins de conditions extravagantes comme les primes à l’embauche (sign-up bonus) ; la stabilité dans les équipes est plus forte avec moins de cadre-clés qui auront tendance à sauter sur la meilleure offre (une plaie de l’industrie) ; enfin, à effectif comparable, le télétravail réduit les charges salariales d’environ 20%. A 150 000 dollars par an pour le salaire moyen d’un ingénieur dans la Silicon Valley, cela se regarde.
Le second facteur déterminant qui accroît considérablement les chances de succès d’une startup est le champ concurrentiel qui s’éclaircit d’un coup, supprimant au passage l’objection classique des capitaux-risqueurs. Aujourd’hui, ceux-ci auront tendance à prendre note de la résilience d’une équipe qui ose se coltiner la tempête.
Il n’en demeure pas moins que l’arithmétique reste implacable : en moyenne une firme de capital-risque de taille intermédiaire reçoit 4000 projets par an qui donneront lieu à 120 examens approfondis et à seulement 12 investissements ; soit un taux de succès de 0,3% !
Dans la phase suivante, la plupart des entreprises brûlent leur capital sans résultat tangible. 20~30% débouchent sur une valorisation de 2 à 4 fois la mise, et seulement 10% sont d’énormes succès (100 fois la mise de fonds). Récession ou pas, l’entrepreneur se caractérise avant tout par un mental à toute épreuve. —